11/ L’INTARISSABLE SOUVENIR DE MARIA C’est l’aube et les premières lueurs du jour nouveau venaient caresser agréablement les yeux de Yiker ! A peine sorti de son lit il prit place dans le petit
balcon attenant à sa chambre. Il fit face à l’immensité de la nature hostile mais si belle de l’Aïr. Tin Telloust est perché sur une crête dominante. Une couleur rouge ocre enveloppait l’horizon
vierge. Des nuages épars semblaient vouloir à tout prix s’imprégner, s’imbiber absolument de sorte à en faire partie intégrante, de cette lumière naissante ouatée, douce : ils aspiraient
visiblement à entrer de plein pied dans la fresque du jour levant qui se réalisait peu à peu et qui s’éclairait des lueurs rosées de l'aurore naissante ! Yiker Genséric perçut un frémissement, un
mini-choc électrique sur son épaule et tout son être vibra un moment. Il venait d’éprouver un sentiment étrange devant le grandiose tableau, un sentiment d’appartenance de tout son être à un grand
artiste possessif qui a la possibilité d’ensemencer tant de vies même dans ce désert reculé et d’instituer en face…. La mort ! Oui, il reconnaît être la propriété de celui qui a peint cette immense
toile et qui va, sûrement un jour, le déplanter du tableau et le ramener chez Lui pour juger ses actes ! ......Il se mit au travail. Il voulait d’abord, comme première action de cette journée,
écrire un message, puis descendre à pied vers la ville de Ain Zaouia distante d’une vingtaine de kilomètres pour poster son message s’il existe une agence postale et ramener quelques vivres qu’il
ne trouvait pas à Tin Telloust ! Il ne le sait pour l’instant mais il trouvera bien le moyen de transmettre un écrit à son ex femme perdue à jamais de son environnement, de son giron, mais présente
pour la vie dans sa mémoire et ses rêves comme l’outil charmant de l’accession à la vie et à la volupté céleste ! Cette femme, sa désormais ex-femme, Maria, l’a marqué de façon indélébile, à
jamais, depuis le jour où son parfum de compagne sans pareil, s’est incrusté dans son subconscient, depuis le moment où la tendresse inouïe, qu’il a découvert en elle, s’est imprégnée, scellée dans
son intimité profonde. Il appartient corps et âme à elle depuis le jour où elle l’a accueilli et adopté de façon toute spontanée et naturelle, sans artifices, sans fausseté. Il est toujours à elle
malgré le faite qu’elle soit maintenant devenue une antagoniste pour lui, sous l’influence néfaste de son environnement social particulier. Oui, il sera toujours à elle car c’est bien elle qui a
authentifié, par une nuit immarcescible, la qualité d’homme de Yiker Genséric et pour cela il sera à jamais reconnaissant, obligé à l’égard de Maria ! Jusque là, jeune, il n’avait pas répondu à une
question lancinante dans son esprit : Est-ce que l’amour est le but avoué de l’acte sexuel ? Est-ce que l’acte sexuel est la finalité de l’amour ? Avec Maria il comprit que ces deux questions se
confondaient, s’unissaient intimement comme s’unit le couple même dans une reconnaissance mutuelle et dans un hymne à la nature ! Il comprit aussi que l’amour est le levain de cette « pépinière »
qu’est la vie, que c’est l’amour qui garantit l’existence et la joie de la mort et du Créateur ! En transmettant son écrit, il savait pertinemment que personne ne répondrait jamais à sa lente
agonie morale mais il enverra quand même sa correspondance, comme l’on jetterait une bouteille à la mer. « Oh Maria, ma mémoire scélérate, ma mémoire bourreau me harcèle et les beaux souvenirs de
toi se font confus puis s’éclaircissent et s’entremêlent à la laideur de mon parcours ici ! » « Mon chagrin d’amour n’est que souffrance et ma plaie ne cesse de se rouvrir et de se refermer ! » «
Oh Maria ! Si tu savais dans quels malheurs je baigne, toi qui me disais toujours dans ton gauche anglais : « take it easy ! » Je comprenais par-là qu’il fallait arrêter d’être si bouillonnant, si
enflammé. En faite, je n’ai jamais su écouter ta sagesse et je me suis toujours comporté de cette manière là peut-être trop active, ardente même, j’ai toujours estimé que la vie était un challenge
à vivre, un conflit perpétuel à affronter, un défi à relever sans jamais baisser la garde, sans défaillir………Pour en arriver là, veule et gauche, à cette conclusion malheureuse, infortunée et
désespérante. J’en suis maintenant à regretter d’avoir accompli tout çà, lamentable constat ! J’aimerai tellement que tu sois là pour me redire encore « tale it easy ! » Ah si j’avais pu comprendre
ta juste vision des choses, toi qui me demandais de devenir ton roi de Suède à toi ! Toi qui me demandais de devenir ta propriété privée, ton capital, ton avenir ! Toi qui m’implorait de vivre avec
toi une odyssée de l’espoir ! J’ai choisi, gauchement, l’indigne et coupable destinée aidant, de délaisser le joyau, la merveille, au profit du risque et du péril ! Cheh ! Comme on dit si bien chez
nous, en Kabylie ! Je suis conscient dès lors que je symbolise finalement la malchance de celui qui est arrivé à la source et n’a pas pu boire de son eau ! Pardon ! Je te supplie de me pardonner
cette faute que je n’ai pas commise, cette faute que d’autres ont commise à mon insu, par leur comportement condamnable, et qui t’a induite en erreur à mon sujet ! Aurait-il fallu renier ma
religion pour n’appartenir exclusivement qu’à toi ? J’ai vécu les plus beaux jours de ma vie avec toi mais je t’ai partagée partialement avec Lui ! N’aurait-il pas fallu que Celui à qui j’adressais
les ferventes oraisons de ma foi certaine, qui n’avait rien d’intégrisme, comprenne qu’Il prenait toute la place dans mon coeur au point de t’avoir perdue à jamais ! Il pouvait bien m’autoriser à
t’appartenir un peu plus ! Serait-il alors un despote, possessif ou alors n’aurais-je pas, moi-même, compris mes excès de prières proclamées exclusivement à Lui en écartant ta douce présence et tes
appels, en refusant d’adresser à toi aussi des méditations, des supplications de reconnaissance et de gratitude pour le seul bonheur de te sentir exister autour de moi comme la fragrance divine
d’un encens volatile suave et enivrant qui me ceignait ! Je ne rendais hélas pas compte que je vivais le paradis sans l’apprécier ! Je sais que j’écris à une disparue qui est pourtant toujours près
de moi malgré la douloureuse et insupportable séparation ! Cet éloignement est éternellement caractérisé par la tristesse et la peine et les mots ne seront jamais assez forts pour exprimer ma
profonde et irréversible pénitence, mes regrets et mon interminable supplice ! Aussi je t’écris comme j’aurai écrit à une absente sachant que ton indéfinie absence se révèle être une torture pour
moi et sachant que je n’aurai pas d’écho à ma complainte aussi bouleversante fut-elle ! Tu me manques comme le « joint » manque à un malheureux toxicomane ! Je meurs de chagrin, petit à petit, à
petit feu et chaque instant qui passe sans toi est mort, souffrant de ne pas être mort en ta présence, parti irrémédiablement, éteint lentement et qui ne reviendra plus jamais comme moi je m’éteins
tout aussi doucement, jour après jour, mois après mois. J’aurai tellement aimé m’éteindre et finir nulle part ailleurs que près de toi ! Mes nuits ne sont plus détente depuis que le creux de ta
jambe et ton divin triangle sacré ne se pose plus dans un élan machinal sur ma hanche, gage inévitable de sommeil, depuis que nos mains ne s’entrecroisent plus pour souligner notre alliance que je
croyais éternelle, depuis que mes joues ne frôlent plus l’aréole sacrée de ton menu sein, en somme, depuis que tu n’es plus là ! Ton absence est l’équivalent d’un sabre sanguinolent qui accable mon
pauvre cœur ! Un esprit grossier et veule, conscient de ma détresse, essaie maladroitement par pitié envers moi, de remédier à mon désarroi en faisant des apparitions immatérielles, copies
conformes de toi ! Ce fantôme (tu es bien vivante ?) qui te ressemble tellement par ses apparences, ses lubies et ses frasques que je ne comprends d’ailleurs pas, ne cesse de me harceler ! Il
refuse de me quitter comme moi je déplore ce fait accompli ! Il me suit jusque dans ce désert immense aidé peut être par ta connivence ! Comment a-t-il pu retrouver ma trace ? Mais ton absence ne
peut jamais réellement être comblée, ni par mes rêves ni même par le plus adroit, le plus scénique et le plus spectaculaire des démons imposteurs! La date de notre séparation inéluctable, je
l’entretiendrai dans mon âme comme ce sabre ensanglanté qui déchire mon cœur meurtri et qui se garde bien de l’achever, ce qui aurait contribué irrémédiablement à compromettre et à emporter à
jamais son agonie et enfin à consumer et occire à leur tour le supplice et le tourment qui l’ont envahi et qui le possèdent perpétuellement depuis que ton parfum singulièrement enivrant ne me cerne
plus ! Tu es, toi-même, torture insidieuse suspendue au-dessus de mon âme, qui n’a de cesse de me harceler, de détruire mes espoirs et d’enduire d’amertume tout ce que j’entreprends dans ce bas
monde exécrable désormais à mes yeux ! Hélas, toi, qui es devenue la torture personnifiée à mon encontre, tu planes au dessus de mes rêves, de mes aspirations, de ma vie, accrochée à quelque fil
céleste, à me narguer, à vouloir tout régenter d’en haut et à vouloir détruire tout ce que j’entreprends ! Ce jour là qui marqua notre séparation, ma douleur indélébile, fut celui qui me fit
maudire à jamais mon séjour ici bas et j’ai hâte de terminer ce transit obligatoire qui me mènera vers la vraie vie et qui me fera te rencontrer à nouveau pour l’éternité…………. Peut-être ? A l’aube
pleine d’espoir du printemps parfumé que tu m’as donné, succédera alors l’automne grisonnant qui marquera à jamais le début de la fin pour toi et pour moi ! Inhibition pour toi, rose en disgrâce,
qui verras, incrédule et impuissante, tes pétales se consumer et brûler sous le regard cruel du « terminator », la mort, ce monstre immuable, faucheur insensible à notre peine conjointe !
Dislocation pour moi aussi, nuage né de la fumée de notre semblant d’amour démasqué qui s’effacera de l’immensité du ciel enfin débarrassée d’un infortuné fauteur impénitent que je suis et que je
ne serai plus dès lors ! Ce n’est que là enfin, dans l’immensité heureuse, qui doit sûrement ressembler aux champs de glace apaisants des fjords de ton pays, que je verrai ma meurtrissure se
résorber et mon âme retrouver la paix, en ta compagnie enfin reconquise! …………….Mais tu ne sais rien de ce que moi je ressens !